Informations financières

La lettre mensuelle de gestion

La mise en place des tarifs douaniers par l’administration américaine a provoqué une très forte volatilité sur les marchés au début du mois d’avril avec une baisse prononcée des marchés actions notamment.
Les perspectives pour l'économie américaine se sont détériorées, avec un risque de stagflation à court terme en raison des décisions de l'administration Trump, tandis que la Réserve fédérale continue d'adopter une approche prudente. En Europe, le plan de relance allemand et la poursuite des baisses de taux de la BCE améliorent potentiellement les perspectives économiques. En Asie, la Banque du Japon maintient ses taux, tandis qu'en Chine, un plan visant à stimuler la consommation est annoncé en réponse aux impacts des tarifs américains.

Quelles perspectives pour les marchés ?

Etats-Unis

 

Le mois de mars marque un tournant pour l’économie américaine. Les premières conséquences des mesures protectionnistes de la nouvelle administration Trump se font sentir, pesant sur la confiance des ménages et sur les anticipations de croissance. Les droits de douane annoncés (25% sur les automobiles japonaises et coréennes, 2 séries de 10% sur les produits chinois, 50% sur l’acier et l’aluminium canadien finalement suspendus) ont alimenté les craintes inflationnistes. L’enquête de l’Université du Michigan montre des anticipations d’inflation à long terme au plus haut depuis 32 ans et une réduction des prévisions de croissance sur les deux prochaines années.

L’ISM manufacturier1 ressort légèrement en dessous des attentes. L'enquête S&P PMI a montré des signes encourageants sur les services, mais les perspectives se détériorent encore dans le secteur manufacturier. La confiance des ménages chute, selon le baromètre du Conference Board2 et les dépenses progressent modestement alors que le taux d’épargne progresse de nouveau. Si le taux de chômage reste faible à 4,2%, les hausses de salaires ralentissent. L’expulsion de millions de travailleurs clandestins devrait néanmoins maintenir la pression sur l’emploi peu qualifié.

Début avril, Donald Trump a annoncé la mise en place de taxes douanières de 10% avec l’ensemble des pays à partir du 5 avril, avec augmentation progressive jusqu’à 50% en fonction des balances commerciales des Etats-Unis avec chacun des pays : 54% pour la Chine, 20% pour l’Union européenne, 10% pour le Royaume-Uni. Le Mexique et le Canada bénéficient d’exemptions partielles. Ces mesures alimentent les tensions internationales et accentuent la volatilité des marchés.

 

Zone Euro 

 

En réaction aux mesures protectionnistes de Washington et au risque d’un désengagement militaire des Etats-Unis en Ukraine, les dirigeants européens ont maintenu leur cohésion. Fait historique, les verrous de la dépense publique en Allemagne ont sauté quelques jours seulement après les élections législatives. Le futur Chancelier Friedrich Mertz (CDU), appuyé par une coalition avec le SPD et les Verts, a lancé un vaste plan de relance de 500 milliards d’euros dont 100 milliards iront à la défense, ce qui constitue un changement radical. Cet effort budgétaire devrait soutenir la croissance allemande et, avec elle, celle de la zone euro. En conséquence, les économistes ont ajusté à la hausse leurs prévisions.

Les enquêtes PMI3 du mois de mars indiquent toujours une contraction de l’activité manufacturière, mais les perspectives s’améliorent nettement, notamment en Allemagne où l’industrie est en stagnation depuis la pandémie.
L’inflation dans la zone euro continue de baisser avec un indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), à 2,2% en mars contre 2,4% en janvier.

 

Chine

 

Face aux tensions commerciales et au risque de ralentissement américain, les autorités chinoises ont annoncé un « plan d’action spécial » pour stimuler la consommation intérieure. Si les chiffres de la production industrielle progressent de 6% en glissement annuel, et que les enquêtes sur le secteur manufacturier indiquent un rebond, l’activité économique chinoise reste faible par rapport à l’objectif du gouvernement. La consommation des ménages repart lentement, mais les pressions déflationnistes persistent : l’indice des prix à la consommation recule de -0,7% et celui des prix à la production -2,2%. L’immobilier peine à se redresser, malgré la recapitalisation des banques et les incitations gouvernementales.

En réponse aux hausses des droits de douane américains, la Chine a annoncé la mise en place de nouvelles taxes de 34% sur les produits américains. Dans ce contexte, Pékin pourrait également accélérer les mesures destinées à soutenir la demande intérieure.

 

RETOUR SUR LES PRINCIPALES CLASSES D’ACTIFS

Politique monétaire des Banques Centrales

Outre-Atlantique, le 19 mars dernier, la Réserve fédérale américaine a comme prévu maintenu ses taux directeurs entre 4,25 - 4,50%, marquant une deuxième pause consécutive, après une baisse de 1% depuis septembre. La déclaration officielle a souligné l'incertitude accrue du paysage économique reflétant un large éventail de politiques potentielles de l'exécutif, y compris les tarifs douaniers. Le ton adopté lors de la conférence de presse a été marqué par une grande prudence quant à la suite de la politique monétaire.
Jerome Powell a toutefois laissé entendre que les hausses de droits de douane devraient surtout avoir des effets « transitoires ».

Le comité de politique monétaire a également annoncé un ralentissement du rythme de réduction de son bilan. Après les annonces de Donald Trump sur les droits de douane, les premières réactions des membres de la Fed penchent en faveur de l’attentisme pour le prochain comité qui aura lieu le 7 mai. L’action de la banque centrale dépendra toutefois des statistiques économiques et en particulier du marché du travail. La banque centrale américaine, selon les nouvelles anticipations de marché, attendra donc le 2e semestre et la hausse probable du chômage pour agir, car dans un premier temps, la résilience de l’inflation la bloquera. Les investisseurs anticipent dorénavant au moins quatre baisses de taux directeurs cette année, ce qui porterait le niveau des Fed Funds vers 3,25% (contre 4,30% aujourd’hui).

La Banque centrale européenne (BCE), elle aussi, fait preuve de patience. Les minutes de sa dernière réunion montrent le haut degré d’incertitude vis-à-vis des conséquences de la relance budgétaire et de la guerre commerciale. Dans cette optique, la réponse de la Commission européenne à l’offensive de Donald Trump sera déterminante, avec un risque d’escalade important au regard des premières déclarations. Pour l’inflation, si la trajectoire reste favorable pour atteindre la cible, à horizon 2026 selon les prévisions de la BCE, celle-ci alerte toutefois sur le risque inflationniste à court terme que pourrait générer les droits de douane en cas de riposte de la part de l’Union européenne. La BCE demeure dépendante des données macroéconomiques dans ses décisions. Les anticipations de baisse des taux directeurs se sont accrues depuis les annonces des droits de douane américains, et tablent dorénavant sur trois baisses supplémentaires cette année portant ainsi l’ESTR à 1,60% (contre 2,41% aujourd’hui).

 

Marchés obligataires

L’annonce des droits de douane américains a fait souffler un vent de panique sur les marchés financiers entrainant une forte correction des indices boursiers et une chute des taux souverains (le taux à 10 ans de l’emprunt d’Etat américain est passé en dessous de 4%). En cause, le niveau adopté qui, s’il est maintenu, accentue le risque de voir l’économie américaine basculer en récession. L’enjeu est dorénavant de voir si des négociations sont possibles alors que Donald Trump a ouvert la voie à des discussions.
Le conflit commercial risque également de peser sur l’activité européenne.

La baisse des taux est inférieure en zone euro mais reste notable (Bund allemand 10 ans proche du seuil de 2,5%), d’autant que la Commission européenne a indiqué vouloir riposter si les négociations échouaient. La confiance des investisseurs a été ébranlée pesant particulièrement sur les actifs obligataires les plus risqués. A ce titre au sein des obligations souveraines de la zone euro, l’écart des rendements à 10 ans entre l’Allemagne et l’Italie a progressé de 0,15% à 1,26%.

Sur le marché des obligations privées (le crédit), les volumes d’émissions sur le marché primaire ont reculé en mars. L’onde de choc qui a suivi l’annonce des droits de douane américains a généré une forte aversion au risque qui n’a pas épargné le secteur du crédit, provoquant un net écartement des spreads (supplément de rendement offert par rapport au taux de référence interbancaire)

Notre gestion :

Le contexte actuel d’extrême volatilité nous conduit à la prudence dans notre gestion, et nous n’avons pas souhaité modifier nos stratégies obligataires dans un premier temps. Nos portefeuilles affichent donc une sensibilité aux taux d’intérêt supérieure à leur indice de référence. D’un point de vue géographique, nous avons maintenu notre surpondération sur l’Italie, l’Espagne et le Portugal, au détriment de la France où l’incertitude politique et budgétaire n’est pas levée à moyen terme. Cependant, nous restons flexibles dans notre positionnement sur la duration, afin de tirer parti de la volatilité des marchés qui permet des prises de positions plus tactiques. Sur le marché du crédit, dans un contexte de recherche de rendement, nous maintenons une surpondération sur les émetteurs européens de bonne notation (catégorie Investment Grade) ainsi que sur les émetteurs à haut rendement sur des obligations de maturité courte (autour de 2 ans). Ces investissements sur les obligations privées permettent de bénéficier du portage attractif de cette classe d’actifs.

 

Marchés actions

Les annonces tarifaires de début avril, d’une ampleur inédite, ont provoqué une correction sévère sur les marchés actions. Les trois principales composantes à retenir sont, l’instauration dès le 5 avril d’un tarif universel de 10 % sur toutes les importations vers les Etats-Unis, l’introduction au 9 avril de droits de douane « réciproques » différenciés en fonction des déficits commerciaux bilatéraux calculés par l’administration américaine (34 % pour la Chine en plus des 20% déjà imposés, 26 % pour l’Inde, 20 % pour l’UE, 10 % pour le Royaume-Uni…), et l’application de droits « permanents » de 25 % sur les importations de véhicules et pièces automobiles.

Seuls les produits conformes à l’accord de libre-échange USMCA (Canada, Mexique) échappent partiellement à ces mesures, les autres étant soumis à des taux allant jusqu’à 25 %. Ces annonces s’ajoutent à une série de mesures précédentes ciblant l’acier, l’aluminium et visent à renforcer le levier de négociation américain face à ses partenaires. La réaction internationale ne s’est pas fait attendre : l’Union européenne a promis une riposte, potentiellement étendue à des mesures non tarifaires, notamment sur les services numériques ou les marchés publics. La Chine, outre un contrôle accru des exportations de terres rares vers les Etats-Unis, annonce des représailles à hauteur de 34% sur tous les produits américains à partir du 10 avril. Ces décisions accentuent l’incertitude économique mondiale à un moment où les perspectives de croissance sont déjà fragiles. L’usage par le président américain des pouvoirs d’urgence économique pour justifier ces mesures souligne un durcissement de la doctrine commerciale américaine, qui cherche désormais à utiliser les droits de douane à des fins budgétaires, géopolitiques et stratégiques. Si des négociations sont encore possibles, le climat général de défiance et la multiplication des fronts protectionnistes rendent probable un nouvel épisode de guerre commerciale mondiale. Face à ce choc, la réponse européenne s’organise autour d’un soutien budgétaire, avec notamment le plan de relance de 500 milliards d’euros voté en Allemagne et du souhait d’une plus grande autonomie stratégique sur des éléments critiques comme la défense, les satellites ou la technologie en général. La Chine active quant-à-elle, ses « filets » de soutien à la consommation et ses outils de stimulation de l’innovation technologique pour amortir le choc, tandis que l’Inde revoit sa politique tarifaire à la baisse pour séduire les investisseurs américains. Ainsi, si certains pays pourront tirer parti de la réorganisation des flux mondiaux, les effets immédiats restent négatifs pour la confiance, l’investissement et la stabilité des marchés. La conséquence logique de ces annonces est la réévaluation à la hausse de la probabilité de récession par les économistes et les stratégistes qui tentent de quantifier l’impact que peuvent avoir ces mesures sur les perspectives de croissance des différentes économies. Le corollaire de ces révisions sera inévitablement la baisse des estimations de bénéfices des entreprises.

Outre la chute des « mag 7 » (les 7 magnifiques entreprises technologiques américaines) rebaptisées non sans humour par les investisseurs les « lag » 7 (les 7 retardataires), les marchés ont connu une profonde rotation sectorielle, des valeurs sensibles aux droits de douane, vers les valeurs immunes aux droits de douane et plus généralement, des valeurs cycliques vers les valeurs plus défensives dans un contexte d’augmentation de la probabilité d’une récession. Les secteurs exposés aux biens, comme les biens durables (le luxe, l'automobile), la santé et les semi-conducteurs, ont le plus sous-performé, tandis que les secteurs plus domestiques et axés sur les services comme les télécommunications et les services aux collectivités, ont surperformé. Le secteur de la banque qui s’était très bien comporté a inévitablement subi des prises de bénéfices avec la montée du risque de récession. Même le secteur de la défense, plébiscité depuis le début d’année, a subi des dégagements.

Dans ce contexte, au 7 avril, les marchés développés baissent depuis le début de l’année de -11,56% selon l’indice actions monde MSCI World (en dollar). L’indice large des actions américaines S&P500 affiche une performance de -13,71 % (en dollar), celui des actions de la zone Euro, l'Euro Stoxx 50 de -4,59% (en euro) et celui des actions japonaises TOPIX de -17,02% (en yen). La performance des marchés émergents reflétée par l’indice MSCI Emerging Markets est quant à elle de -6,59 % (en dollar) depuis le début d’année.

Notre gestion :

Nous avons conservé une légère surpondération actions, en dehors des Etats-Unis, car, à ce stade, nous ne nous inscrivons pas dans un scénario de récession. Nous ne souhaitons donc pas alléger trop fortement notre position actions dans ce contexte de forte volatilité et de potentielles annonces qui entraîneraient un rebond des marchés. Les facteurs déclencheurs d’une hausse pourraient notamment provenir d’avancées significatives dans les négociations, d’annonces de la banque centrale américaine concernant un assouplissement de sa politique monétaire ou d’annonces de baisses d’impôts pour les ménages et les entreprises américaines. Au niveau géographique, nous avons initié une position sur l’Inde qui devrait bénéficier de mesures fiscales favorables à la classe moyenne du pays et dont la valorisation redevient intéressante après la baisse des derniers mois. Nous avons aussi initié une position sur la Chine, qui présente une valorisation raisonnable et dont les fondamentaux semblent progressivement s’améliorer à la faveur d’une politique volontariste pour soutenir la croissance, notamment sur le volet consommation des ménages.
Concernant la sélection de titres, nous avons renforcé la thématique défense, avec la claire nécessité des gouvernements européens d’augmenter les budgets alloués à ce secteur, et nous avons augmenté nos positions sur les valeurs qui devraient bénéficier du plan de relance allemand. Nous avons aussi renforcé nos pondérations sur les secteurs des télécommunications, des services aux collectivités et de l’immobilier. A contrario, nous avons pris quelques bénéfices dans l’industrie et le secteur bancaire, et nous avons diminué nos pondérations dans les secteurs des semi-conducteurs et de l’automobile.

 

1 Indice ISM : publié chaque mois par l'organisme américain "Institute for Supply Management", l'indice ISM est séparé en deux grandes familles : L'ISM manufacturier, qui reflète la santé du secteur aux USA et l'ISM services, plus spécifique aux activités tertiaires. Cet indice, évalué en pourcentage, résulte d'une enquête auprès de 400 entreprises portant sur des données telles que : indicateurs sur les nouvelles commandes, production, emploi, délais de livraison, prix, stock, commandes à l’export et l’import ... On considère qu’une valeur supérieure à 50% indique une expansion par rapport au mois précédent, si l’indice est inférieur à 50%, cela indiquera alors une contraction.
2 Le conference board est une association de recherche économique de dimension mondiale.
3 Indice PMI : PMI, pour Purchasing Managers Index, est un terme générique pour désigner des indices établis à partir d’enquêtes mensuelles auprès des directeurs d’achat des grandes entreprises des principales économies mondiales.

    

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